À un pas du vide by Christopher Mfoula

Auteur:Christopher Mfoula [Christopher Mfoula]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: auto-édité
Publié: 2023-09-19T23:00:00+00:00

Chapitre 5

« La culpabilité est un fantôme qui hante notre esprit, nous rappelant nos fautes et nos erreurs passées. Mais il est important de comprendre que nous sommes tous humains et que nous sommes sujets à l’imperfection. Apprenons à accepter nos faiblesses, à nous pardonner et à trouver la force de nous réinventer. »

Rupi Kaur

Dans les ruelles sinueuses de Bonaberi, Ndedi Marie, à peine âgée de seize ans, se perdait souvent, parfois sous les teintes dorées du crépuscule. Ses yeux scintillaient de larmes et son cœur palpitait à un rythme effréné. Cette année-là, les épreuves qui la tourmentaient avaient pris une ampleur déconcertante, alimentées par le harcèlement quotidien qu’elle subissait au lycée. Sa souffrance était exacerbée par le fait que l’auteur de ses maux n'était autre que celui en qui elle avait éperdument investi son amour, mais qui lui faisait subir une cruauté sans bornes, réduisant son estime en lambeaux avec des mots aussi cinglants et incisifs que les crocs acérés d’une bête sauvage déchirant sa proie.

Elle gardait ce calvaire secret à l'égard de ses parents, constamment assaillis par leurs emplois prenants et leurs escapades, ignorant le tourment émotionnel qui rongeait leur fille.

À cette époque-là, évoquer les troubles mentaux et le harcèlement scolaire était tabou, presque honteux pour la victime, et le système éducatif, la société en général, reléguaient ces problèmes aux confins de l’insignifiance, l’empêchant de trouver en qui que ce soit une oreille attentive. Ses seules bouées de sauvetage résidaient en la présence réconfortante de sa psychologue, les anxiolytiques qui tempéraient ses souffrances et la musique. Se rendre au lycée était sa plus grande angoisse, sachant pertinemment qu’elle y croiserait de nouveau celui qui était à l’origine même de ses bourrèlements, de son anxiété et de son chagrin : Rodrigues.

L’année 2008 avait plongé Rodrigues dans un abîme sans fin, où la noirceur régnait en maîtresse absolue. Son père s’était mué en un tyran sans pitié, dépassant en cruauté tous les excès de ses années passées. Chaque soir, il s’en prenait à sa femme, l’attaquant avec férocité, frappant et dénigrant ses beaux-fils, proférant des insultes qui empoisonnaient leur existence. Après la disparition de Blaise, Rodrigues avait perdu tout semblant d’espoir pour la vie, pour son bonheur et, même, pour la bonté de l’humanité. Il avait troqué son image de mauvais garçon pour une aura encore plus atrabilaire. Vêtu de noir de la tête aux pieds, son crâne rasé à blanc, il avait trouvé un moyen pernicieux de libérer toute la souffrance qui le dévorait.

La violence, tant verbale que physique, était désormais son exutoire. Le fragile petit garçon qu’il avait été autrefois avait laissé place à un jeune homme exécrable, quelques muscles en plus, devenu le bourreau de son lycée. Les rôles s’étaient inversés. Désœuvré, il s’était métamorphosé en dispensateur de souffrance envers ses camarades, usant de leur douleur comme un moyen de noyer sa propre contrition, dépourvu de la moindre once de remords. Entouré de ses acolytes, il s’enfonçait dans des actes horribles envers les filles sans le moindre souci moral.

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